– Cette semaine c’est au tour de Claire-Agnès Villeneuve d’être mise à l’honneur avec sa photo L’Amour de Dieu.
Si Claire-Agnès aime par dessus passer des heures dans son studio à composer ses images, elle ne résiste pas non plus au plaisir de suivre Raphaël dans ses explorations photographiques.
La découverte de cette semaine est un ancien couvent abandonné au début du XXIe siècle. Si l’édifice était resté dans un relatif bon état durant une quinzaine d’années, les deux années passées suffirent pour le saccager et finalement le rendre victime d’un incendie quinze jours avant notre passage. C’est ainsi qu’on se retrouve dans la chapelle, une des rares parties préservées des flammes. Les lieux, vides, restent empreints d’une certaine solennité. On ne sait pas trop si l’on vient de pénétrer dans un lieu saint ou un champ de bataille. Le haut de l’image, le début de la lecture photographique, appartient au divin : la lumière y est chaleureuse ; les murs semblent avoir su résister au temps. Un rayon de lumière éclaire l’épitaphe mais alors que notre œil en suit la trace, petit à petit nous descendons dans les gravas, la bataille, l’enfer.
Dans le bas de l’image, nous voyons tout d’abord l’empreinte de l’homme : ce besoin irrémédiable de détruire l’édifice de l’autre, un peu à la manière des enfants sautant à pieds joints dans les châteaux de sable. Dégradations, vols, tags, tel est le sort des lieux à l’abandon, transformés en zone de non-loi où chacun semble retourner au stade de l’animal primaire. Primaire parce que dans ces lieux les visiteurs ont le besoin de laisser une marque (un peu comme les chiens sur les jantes de votre voiture ce matin).
Pourquoi ce besoin ?
Pour essayer de faire obstacle à une autre empreinte : celle du temps. Difficile de résumer en quelques lignes les Pensées de Pascal, mais lui mieux que quiconque a su mettre des mots sur notre angoisse la plus profonde : nous sommes condamnés à mourir et à tomber dans l’oubli. Si dans notre quotidien nous sommes sans cesse à la recherche d’activités (au hasard la photographie ?) pour essayer d’éloigner de notre esprit cette fatalité, les lieux abandonnés nous rappellent incessamment notre fugacité dans le temps. En effet face à cette chapelle en ruines, comment ne pas s’interroger sur sa forme primitive : Comment était l’autel ? Que représentait la fresque dont il ne reste que l’ombre ? Quelle était la voix du prête les dimanches de sermons ?
Car l’ironie suprême de cette image se trouve bien dans le fait que nous sommes dans une chapelle abandonnée. Une chapelle, l’espace dédié à la croyance de Dieu, l’être omniscient, omniprésent, éternel. La foi, cristallisée en un lieu béni, protégée, n’aurait-elle pas dû résister aux assauts du temps ; le divin n’est-il pas censé survivre à l’humain ?
“Nous avons cru à l’amour de Dieu pour nous.” Et pourtant rien n’empêche ce lieu de tomber petit à petit dans la décrépitude, au temps de passer… et au week-end d’arriver !
Bon week-end et à la semaine prochaine !