– Cette semaine Raphaël Charuel nous ramène une image qu’il n’est possible de faire… que tous les trois ans !
Du 15 au 17 avril 2016 a eu lieu la fête de la vapeur en baie de Somme. Cet évènement fédère de nombreuses associations sur un thème : la traction ferroviaire à vapeur et en particulier sur voie métrique (c’est à dire un écartement d’un mètre entre les deux rails, plus étroit que la normale). En bref les trains de la fin du XIXe siècle. Ce petit chemin de fer s’étend entre quatre bourgs, Cayeux, St Valéry, Noyelles et le Crotoy. L’exploitation est assurée par une association locale, le CFBS.
Au terminus, la machine se décroche de son train et effectue un retournement pour changer de sens. L’ouvrier effectue le ravitaillement en eau, charbon, et comme ici astique les bielles. Autant de manœuvres astreignantes que l’Homme n’a jamais eu cesse d’abolir en apportant des machines de plus en plus sophistiquées.
Ce genre d’image, assez répandue autrefois, illustre bien le rapport entre l’humain et la machine. La taille représente la puissance et la domination de la machine, alors qu’elle est paradoxalement construite par l’Homme elle même. On y retrouve bien le symbole de l’essor du chemin de fer à partir de la fin du XIXe siècle. Ces lignes fascinantes de la machine à vapeur ont toujours inspiré les artistes dès l’apparition de cette industrie jusqu’à la fin de leur circulation dans les années 1970. Et aujourd’hui le flambeau est repris par plusieurs associations, comme celles-ci, grâce à qui le mythe revit. Pourtant les artistes n’ont pas toujours voulu rendre grâce à la mécanisation. Comment ne pas penser au Charlot des Temps modernes devant cette photographie ? Tel que le personnage de Chaplin, ce mécanicien nous semble complètement écrasé par la machine, lui bouchant toute l’horizon, relégué dans la partie basse de l’image. Le flou de l’ouvrier nous rappelle que c’est la machine qui nous impose son rythme et non l’inverse. Cette image nous dépose ainsi devant un paradoxe : Est-ce un hommage aux prouesses technologiques ou bien une dénonciation de l’asservissement qu’elle oblige, hier pour les trains à vapeur, aujourd’hui pour l’ordinateur que je vais m’empresser d’éteindre pour célébrer la fin de semaine ?
Bon week-end à tous et à la semaine prochaine !