– Encore une fois, le duel fut serré. Claire-Agnès avait alors pris les devants en rédigeant son texte, mais finalement à égalité, il a donc été décidé que Raphaël publie son “Echelle Coulante”. Choix confirmé par un dernier vote tardif! Raphaël, pris au dépourvu, poste alors sa photo du dimanche, sans pour autant vouloir être photographe du même jour…
La pluie des dernières semaines a inondé champs, plaines, ou villes. L’eau s’est infiltrée alors dans le sol, on la retrouve ensuite dans les cavités souterraines. À Paris c’est le RER C qui s’est improvisé rivière souterraine, alors que dans les Alpes les grottes, les carrières, ou les mines jouent un rôle essentiel d’égout naturel. C’est ici d’une mine de schistes bitumineux dont il s’agit. Ce minerai est utilisé dans la production de carburants, comme le kérosène, ou le controversé gaz de schiste; cette page de wikipédia mentionne plus précisément ces utilisations. Moins bien connues que les carburant ou enduits routiers, les schistes bitumineux sont utilisés dans la production de ciments (dont les Alpes sont le berceau, rappelons-le), de verre, ou même de produits pharmaceutiques et d’insecticides. C’est de ces derniers cas dont l’exploitation était le sujet ici, jusque dans les années 60. Jusqu’à 35 ouvriers étaient quotidiennement chargés d’extraire la roche qui à peine sortie atteignait l’usine pour terminer sous la forme d’huiles essentielles. Celles-ci traitaient alors le bois (soutènement, ou traverses de chemin de fer), et les cultures par pulvérisation ou mélange avec les semences. Quant à l’aspect pharmaceutique, ces bitumes constituaient un des principaux composants de la pommade noire, destinée aux applications dermatologiques.
Les schistes bitumineux se présentent à cet endroit sous forme de gisement penté. Le millefeuille de couches alternant entre le gris foncé et le gris-jaune s’est incliné de 45° suite aux efforts et aux contraintes s’étant exercées lors de la formation de ce massif géologique. C’est une disposition que l’on retrouve d’ailleurs dans les carrières de pierre à ciment. Les ouvriers procédaient alors par galeries étagées permettant de bien suivre le filon jusqu’à son affleurement, où des minières peuvent déjà exister. Ces minières sont des exploitations anciennes des affleurements qui, par suivi du filon, ont formé des tranchées dans le paysage. Dans les exploitations souterraines possédant un tel pendage, il est aisé de jeter le minerai depuis les étages supérieurs, pour qu’il dégringole alors jusqu’à une trémie, accumulant les blocs avant qu’un opérateur ne commande son ouverture et alors son déversement dans les chariots ou les wagonnets. Par un travers-banc, une galerie recoupant les différents bancs de roche jusqu’à la surface, les wagonnets débouchaient rapidement en surplomb de la petite vallée, où ils étaient acheminés à l’usine.
C’est donc aujourd’hui l’eau qui a remplacé les blocs. Si la chimie des insecticides et des bitumes de cet endroit n’est plus, c’est la chimie de l’eau et des calcaires qui opère toujours. Traversant le sol par diverses anfractuosités elle rejoint les galeries et les chambres à piliers inclinées, qu’elle descend alors en formant des cascades et des bassins, où elle dépose la calcite qu’elle a pu accumuler pendant sa traversée des sols. Ainsi, là où autrefois les ouvriers accédaient aux chantiers, les passages à échelles se convertissent en chutes d’eau bruyantes que les spéléologues aiment contempler. Si l’éclairage au flash fiche chaque goutte d’eau, c’est ici un éclairage continu qui permet d’avoir un rendu lissé et quelque peu brumeux de cette cascade. L’éclairage en contrejour, derrière le spéléologue, permet de créer des reflets sur l’eau et de mettre en évidence la texture des parois. L’eau ruisselle ensuite au sol, et forme des gours. Il s’agit de marmites plus ou moins larges formées par la calcite déposée autour des flaques d’eau. Ces gours s’étagent en descendant tel un escalier jusqu’au travers-banc, indiquant le chemin de la sortie. Tout comme ce texte montrant le chemin du week-end, ou ce qu’il en reste!
Alors bon week-end, et à très vite pour un nouveau cadeau du vendredi.