Connaissez-vous Chamechaude?

– Vindieu! Mais c’est que, pris dans le démarchage comme nous l’étions, nous avions complètement zappé le Cadeau du Vendredi de la semaine dernière!! Quels mauvais pères-Noël nous ferions! Comme nous sommes prêts à tout pour nous faire pardonner, nous vous avons concocté ce petit article. On ne descendra pas de cheminée cette fois, mais nous vous ferons prendre un peu de hauteur. Justement, élevons-nous au-dessus de la métropole grenobloise. Là, au Nord-Est, émerge une montagne que l’on ne peut manquer. Elle se signale par son diadème rocheux: c’est la reine de la Chartreuse. Plus haut point du massif, situé en son coeur, et pourtant isolée des autres montagnes sur lesquelles elle semble veiller, Chamechaude est courue par beaucoup de grenoblois, voironnais, ou chambériens. Pourtant, elle recèle de nombreux mystères et curiosités dès que l’on s’éloigne un peu de son itinéraire classique. Nous en citerons quelques un.

©Raphaël Charuel - La Falaise Dorée

©Raphaël Charuel – La Falaise Dorée

La Montagne Solitaire

La Chartreuse peut-être découpée en cinq chaînons, quatre groupes linéaires de sommets, parallèles Sud-Ouest – Nord-Est. Chacun de ces groupes prend la forme de synclinaux perchés. Lors du soulèvement alpin, les dalles de calcaire qui se sont soulevées ont donné des plateaux, et le glacier, disparu depuis à peine 30 000 ans, a creusé les vallées cartusiennes. Ces cinq chaînons sont donc, en les recoupant d’Ouest en Est:

-Le synclinal de Voreppe, le plus bas en altitude, prenant naissance à…Voreppe, pour se terminer aux alentours du lac d’Aiguebelette.
-Le synclinal de Proveyzieux, dont l’axe traverse le village du même nom, et donne naissance aux alpages des Rochers de Chalves, du Lorzier, et de la Grande Sure. Là, il s’interrompt, coupé par les gorges du Guiers Mort. Il est repris plus loin par le synclinal de Couz, nettement matérialisé par l’alpage du mont Outheran.
-Le synclinal du Néron, débute au… Néron! Il court ensuite sous l’aguille de Quaix (un plateau dont il ne reste quasiment rien!), la Pinéa, le Charmant Som, puis le grand Som. Une faille le fait ensuite confondre avec le suivant.
-Le synclinal du Sappey qui naît au Sappey, va se matérialiser par Chamechaude, et le Grand Som, sommet hautement complexe puisqu’il rassemble deux synclinaux coupés par deux failles.
-Enfin, le synclinal de la Dent de Crolles, formant la proue qu’est cette dernière, la poupe qu’est le Granier, et les hauts de Chartreuse que ces deux sommets délimitent.

Et sinon, tout est là

Vous le comprenez donc, par ces informations puisées dans “Chartreuse Souterraine“- B. Lismonde, 1985, que Chamechaude est bel et bien intégrée dans un chaînon. Pourtant, le glacier alpin a isolé totalement son plateau, entouré de falaises. Stendhal disait, négativement (mais on le dit moins), que chaque rue de Grenoble s’arrête sur une montagne. Concernant Chamechaude, c’est la rue Thiers qui offre un de ses plus beaux aspects que l’on puisse voir depuis la ville.

Ses falaises

Il faut s’y rendre tôt le matin pour y trouver leur caractère noble. Elles renvoient les reflets dorés que le soleil veut bien leur donner. Il est aisé de les contempler de l’Emeindra du Dessus, un Habert typique de la Chartreuse. À ne pas confondre avec les Aber bretons, les Haberts sont de belles clairières vallonnées offrant souvent une vue imprenable sur les sommets qui lui font face. Sur l’épaule Sud de Chamechaude, le Habert de Chamechaude offre un large panorama sur le synclinal de la Dent de Crolles, sur Belledonne, et naturellement, les hautes falaises qui le surplombent!

©Raphaël Charuel - Au Pied des Rochers

©Raphaël Charuel – Au Pied des Rochers

Les falaises encadrent ainsi l’alpage sommital. Véritable plateau incliné, il donne naissance à de nombreuses curiosités géologiques. C’est un concentré de Chartreuse dans un seul et même lieu. La classique l’attaque du côté occidental, son entrée est marquée par un rocher bien connu adoptant la forme d’un champignon par sa curieuse érosion: la Folatière. Nous l’avions évoquée dans le 50e cadeau du vendredi! Une voie assez simple permet d’atteindre le sommet par la falaise, c’est la Brèche Arnaud. Cet itinéraire câblé nécessite de porter un casque, voire de s’encorder. Attention, nous n’avons pas la prétention de nous autoproclamer guides de rando, alors il vous revient de vous documenter avant d’emprunter ce genre de chemin! L’alpage sommital se présente sous la forme d’une butte témoin: le glacier alpin a laissé là ce synclinal résiduel, perché jusqu’à 2 082 mètres d’altitude. C’est le calm chauve, ou plateau aride dépourvu d’arbres, qui lui a donné son nom.

©Raphaël Charuel - L'alpage de Chamechaude.

©Raphaël Charuel – L’alpage de Chamechaude.

©Raphaël Charuel - Les Dalles Calcaires

©Raphaël Charuel – Les Dalles Calcaires

Dans “L’Alpage de Chamechaude”, nous avons une vue panoramique depuis le sommet d’un ressaut calcaire, sur le plateau incliné, la vallée de Sarcenas et du col de Clémencières, ainsi que le célèbre Néron, toujours “débonnaire, mais redoutable”. Le Vercors et l’agglomération grenobloise font toile de fond.

Dans “Les Dalles Calcaires”, nous avons cette fois une vue d’ensemble de ce plateau, observé depuis son extrémité méridionale. On remarque bien les courbures des dalles de calcaire urgonien.

Un géomorphosite

L’érosion a sculpté la montagne, parfois de façon étonnante. Au Nord-Ouest de l’alpage se trouve le canyon. Une gorge s’est creusée dans la falaise, provoquant aussi le détachement de gros blocs formant des pierriers. Ce canyon descend sur un sangle, une vire typique de Chartreuse. Ce sentier suspendu plutôt seize (treize et trois), se pratique à flanc de falaise, avec une vue imprenable sur le reste du massif. Il aboutit au jardin, un petit coin ombragé toute la journée en cette saison fraîche. Il est assez peu fréquenté du fait de son isolement par le sangle, d’une part, et par un accès d’escalade depuis le côté oriental. En surplomb, peu sont les randonneurs qui remarqueront le géomorphosite présent. Ce terme définit un espace très restreint où les conditions d’érosion ont avec le temps sculpté des curiosités géologiques: ici, des porches, des arches, et des cavités.

©Raphaël Charuel - Géomorphosite du jardin

©Raphaël Charuel – Géomorphosite du jardin

©Raphaël Charuel - Le Canyon Ouest

©Raphaël Charuel – Le Canyon Ouest

C’est ainsi que Chamechaude regroupe, en une montagne, nombre de curiosités naturelles visibles en Chartreuse: un sangle, des haberts, un synclinal, un géomorphosite… Il est possible de découvrir tout cela en un article de la Boîte A2, ou en une journée, à condition d’être suffisamment expérimenté!!

©Raphaël Charuel - Le Sangle

©Raphaël Charuel – Le Sangle

©Raphaël Charuel - Chamechaude et sa Toison

©Raphaël Charuel – Chamechaude et sa Toison