– Pour la dernière photo de ce premier projet 52 -qui aura duré au moins deux fois 52 semaines mais c’est un détail !- Claire-Agnès Villeneuve a voulu vous laisser sur un dernier autoportrait d’elle et de son chat en surimpression… Un classique de l’histoire de l’art qui n’en finit pas de nous interpeler.
J’ai déjà eu l’occasion d’aborder avec vous le principe de la surimpression ou de la double-exposition dans cet article précédent donc je ne reviendrai pas forcément sur la technique mais j’aimerais aborder un peu plus avec vous le côté troublant de cette image mêlant femme et félin.
La femme est depuis des temps immémoriaux associé au chat. On peut penser que cette affiliation remonte même à l’Égypte antique ! C’est autour de cette période que l’on commence à avoir des traces de la domestication des chats, les dernières découvertes réussissant à dater les premières trace du petit félin au coté de l’homme autour de 7000 av JC à Chypre. S’il était avant tout apprécié pour ses talents de chasseur, les Égyptiens ont très vite remarqué et apprécié sa douceur et sa beauté, au point de l’incarner au travers de la déesse Bastet : le lien entre féminité/fécondité et félinité était né !
Par la suite avec les diverses conquêtes et quelques échanges commerciaux, le chat à réussi à se propager dans tout l’empire grec puis romain. Sans être aussi adulé qu’en Égypte, le chat réussit quand même à se faire une petite place au coin du feu, les grecs s’en servant même de cadeau précieux pour leur courtisanes préférées… C’est que le chat, dans les croyances, porte deux symboles : Il est à la fois un animal solaire (n’est-il pas la miniaturisation du lion, cette animal à la crinière flamboyante ?), chaleureux, fécond ; mais aussi il peut être un animal de la nuit avec une idée de mystère, de pugnacité et de luxure. D’une part c’est l’animal fécond, à la forte natalité et qui protège les récoltes mais c’est aussi la chatte langoureuse qui vient quémander les caresses de son maître, le détournant de son foyer. Autrement dit, le chat est à la fois l’incarnation de l’épouse dévouée et de la maîtresse insatiable. C’est avec cette ambivalence que l’homme (dans un élan machisme sans doute) a trouvé judicieux de trouver les mêmes caractères au chat et à la femme, et à les associer au travers de l’art.
Cette association, elle aussi ne date pas d’hier ! On la retrouve déjà chez Esope avec son apologue La Chatte et Aphrodite, qui se retrouve comme base de la fable de La Fontaine, La Chatte métamorphosée en Femme. Chez Esope, une jeune femme, éperdument amoureuse d’un jeune homme demandait à Vénus à se voir transformer en chatte. Mais la déesse met la belle à l’épreuve en lâchant une souris dans la chambre. Chez La Fontaine la morale insiste sur l’aspect têtu que peut avoir le chat (…et la femme, amis féministes bonsoir) dont le caractère ne peut être modifié.
La Chatte métamorphosée en Femme
Un homme chérissait éperdument sa chatte ;
Il la trouvait mignonne, et belle, et délicate,
Qui miaulait d’un ton fort doux.
Il était plus fou que les fous.
Cet homme donc, par prières, par larmes,
Par sortilèges et par charmes,
Fait tant qu’il obtient du destin
Que sa chatte, en un beau matin,
Devient femme, et, le matin même,
Maître sot en fait sa moitié.
Le voilà fou d’amour extrême,
De fou qu’il était d’amitié.
Jamais la dame la plus belle
Ne charma tant son favori
Que fait cette épouse nouvelle
Son hypocondre de mari.
Il l’amadoue, elle le flatte;
Il n’y trouve plus rien de chatte,
Et poussant l’erreur jusqu’au bout,
La croit femme en tout et partout,
Lorsque quelques souris qui rongeaient de la natte
Troublèrent le plaisir des nouveaux mariés.
Aussitôt la femme est sur pieds.
Elle manqua son aventure.
Souris de revenir, femme d’être en posture :
Pour cette fois, elle accourut à point ;
Car ayant changé de figure,
Les souris ne la craignaient point.
Ce lui fut toujours une amorce,
Tant le naturel a de force.
Il se moque de tout, certain âge accompli:
Le vase est imbibé, l’étoffe a pris son pli.
En vain de son train ordinaire
On le veut désaccoutumer :
Quelque chose qu’on puisse faire,
On ne saurait le réformer.
Coups de fourche ni d’étrivières
Ne lui font changer de manières ;
Et fussiez-vous embâtonnés,
Jamais vous n’en serez les maîtres.
Qu’on lui ferme la porte au nez,
Il reviendra par les fenêtres.
Avec le temps le côté mystérieux du chat prend le dessus dans l’art : On peut le retrouver sur comme accroche du célèbre cabaret “Le Chat noir” où se retrouver le tout Paris du XIXe. Mystérieux c’est encore le fameux portrait en surimpression de la photographe Wanda Wulz, mi femme, mi chat, féline. Son regard semble être une éternelle interrogation, de même que la photo de la semaine. On ne sait plus trop qui du chat ou de la femme domine, et ce “double regard” ou ce “regard doublé” nous pénètre d’autant plus les entrailles qu’il est parfaitement ajusté et nous fixe… Ou alors peut-être que c’était simplement le moment où je me posais la question de qu’est-ce que j’allais bien pouvoir vous préparer maintenant que le projet 52 est terminé !
Bon week-end et (peut-être) à la semaine prochaine !
La belle et la bête dans une superbe composition
Bravo Claire-Agnès pour ce beau regard féminin !
Super travail de fusion
Bisous
Sylvie et Jean-Luc