Semaine 11 – Memento mori

©Claire-Agnès Villeneuve - Memento mori

©Claire-Agnès Villeneuve – Memento mori

 

– Une fois n’est pas coutume, Claire-Agnès Villeneuve a sorti son appareil photo sous terre pour vous rapporter un cliché… troublant.

Non, non ce n’est pas une vue aérienne, je vous assure que cette photo vient bien des tréfonds de la terre, du sol d’une de ces innombrables exploitations minières laissées à l’abandon pour être plus précis…

En effet, cette carrière de calcaire a la particularité d’être traversée par un cours d’eau de part en part (pour le malheur de nos orteils glacés), créant ainsi une infinité de concrétions (pour le bonheur de nos mirettes). Les concrétions sont le résultat de cette infiltration de l’eau : En s’infiltrant, cette dernière dissous la roche, se charge en calcium et finalement le redépose lors de son évaporation (évaporation du à la baisse de pression favorisant le dégazage du dioxyde de carbone, bref les cours de chimie sont beaucoup trop loin pour que j’ose approfondir le sujet !)

Si les formes les plus connus de concrétions sont les stalagmites (pointe vers le haut) et les stalactites (pointe vers le bas), le sujet de la photo de Claire-Agnès sont des gours. Les gours sont des structures où l’eau arrivant dans une flaque en quantité faible va entraîner un dépôt de calcite sur le bord de la zone d’écoulement du liquide. Il se forme ainsi un petit barrage qui en s’élevant formera à l’arrière un bassin appelé « gour ». Ce bassin s’approfondira progressivement au fur et à mesure de l’élévation du barrage de retenue. De contour généralement irrégulier, ces gours se présentent souvent à plusieurs, étagés le long d’une pente. La couleur la plus commune aux gours est le blanc crème, du au calcite, mais si l’eau se charge en métaux (comme en fer sur la photo) elle pourra donner une autre couleur aux concrétions tel que le brun.

Est-ce que les hommes, en condamnant cette carrière, avaient imaginé que leur lieu de travail se couvrirait peu à peu de mille et une formes ? L’intérêt de cette photo est que, derrière la simple concrétion, se cache une anamorphose. En effet avec un minimum d’imagination, il est facile de voir la forme d’un crâne apparaître. Suivant les traces de la peinture flamande, cette photo s’inscrit alors dans le registre des Vanités. En effet, le symbole du crâne nous renvoie à la notion du Memento Mori : “N’oublie pas de mourir“. Si cette idée a été travestie par la religion chrétienne en crainte de l’enfer qui nous pousserai à avoir une vie chaste et sainte (l’idée véhiculée dans les vanités flamandes), à son origine épicurienne “Memento mori” était une invitation à profiter des petits bonheurs de la vie (YOLO quoi ! Non on parlé de “petits bonheurs”, pas d’excès).

Tout le paradoxe de cette image, alors, apparaît : l’anamorphose, le crâne nous rappelant notre fugacité, n’a pu apparaître que grâce à la “mort” de cette exploitation, son abandon, permettant ainsi aux gours de se former… Comme si ce memento mori était là pour dénoncer cette capacité qu’a la civilisation à sur-exploiter un lieu sans se soucier de son évolution (sans parler de l’impact que ça peut engendrer pour elle-même) et pour au final le laisser peu à peu tomber dans la décrépitude. Mais est bien content lorsque notre bureau tombe aussi dans l’oubli le vendredi soir !

Bon week-end et à la semaine prochaine.

 

 

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