Gérer la couleur sur une photo

En période de fêtes, on sort les guirlandes. De la couleur partout, mais il va falloir maintenant les rendre en photo. Vous aurez remarqué que lorsque vous photographiez des couleurs vives, le rendu ne sera jamais le même selon votre support. Pour une couleur donnée, votre appareil affichera une teinte différente, votre écran une autre, et votre tirage si vous imprimez encore une autre !

Couleur non-imprimable

Cette image est un exemple qui présente, notamment dans les verts, des couleurs n’apparaissant pas à l’écran.

Alors pourquoi est-ce si compliqué ? Une teinte lumineuse perçue, pourtant, ne découle que d’un dosage de trois couleurs primaires : rouge, vert, bleu, c’est la synthèse additive. Seulement, il y a un problème : nos yeux, ou plutôt notre cerveau, peut nous tromper ! Car nous voyons seulement une partie de la lumière, ce que nous appelons le spectre de la lumière visible. Ainsi, nous ne pouvons voir l’ultraviolet ou l’infrarouge, ou encore les rayons X, gamma, … Il en va de même pour les appareils électroniques tels qu’appareils photo ou écrans : ils ne voient ou ne peuvent restituer la totalité des teintes existantes. On parlera donc d’espaces de couleurs, chacun propre à chaque dispositif bien précis.

Couleur synthétisée

La synthèse additive permet de reproduire toutes les nuances de couleur visibles

Depuis qu’il est possible de travailler la photo en numérique, il existe des algorithmes, des protocoles, qui vont attribuer au système d’affichage une teinte correspondant à une valeur de couleur. En fait, chaque nuance de couleur correspond à un code informatique, en numération hexadécimale, la base 16. Les unités sont 0 à 9 puis A à F. Ensuite on passe à 10, 11, … 19, 1A, …, 1F, 20… Pourquoi l’hexadécimal ? Parce que les codes informatiques s’effectuent en binaire, c’est-à-dire en base 2 (0 ou 1, pas d’autre valeur possible), et ces chiffres appelés bits sont groupés en octets, ou « bytes » en anglais. 1 octet=8 bits, c’est-à-dire qu’un octet peut prendre les valeurs 0000 0000 à 1111 1111 soit 00 à FF en hexadécimal ! Soit 16*16=256 valeurs différentes possibles, d’où l’intérêt de compter en hexa pour avoir des chaînes de caractères quatre fois plus courtes.

« Oui, enfin bon, tu nous a bien perdus avec tes maths ! Ca ne m’apprend toujours pas pourquoi c’est difficile d’avoir les vrais verts fluo de ma photo sur mon macbook ! »

Pas de panique, on y arrive ! Ces 256 valeurs possibles, elles codent la couleur pour chacune des trois couches données, Rouge, Vert, Bleu. Il existe alors, en 8 bits par couche, 256*256*256=16 777 216 possibilités de couleurs différentes !

« Parfait, et bah mon vert 00-F5-04 il ne ressort toujours pas comme en vrai »

Ah tout serait si simple si ces valeurs étaient universelles ! Mais l’informatique a considérablement évolué avec le temps, et plusieurs algorithmes d’interprétation de ces valeurs ont été créés, chacun ayant une utilité particulière pour un périphérique donné. On les appelle les profils colorimétriques. Le plus connu, le sRGB (pour standard Red Green Blue), est utilisé sur internet, et dans beaucoup d’images en format jpg d’appareils photo. Il correspond à un espace colorimétrique précis qui sert à adapter les couleurs d’une image pour la plupart des écrans d’ordinateur, on est donc bien loin de restituer toutes les nuances de couleur visibles. L’espace de couleur restitué par le sRGB est imbriqué dans d’autres espaces comme celui de l’AdobeRGB, lui-même imbriqué dans celui du Prophoto. C’est dire le nombre de couleurs qu’on ne voit pas à l’écran !

« On n’a qu’à aller travailler sur un écran qui sort du Prophoto alors, non ? »

Hélas, l’écran capable de restituer le Prophoto n’existe pas (encore ?), en revanche il existe des écrans qui restituent 99% de l’espace correspondant au profil AdobeRGB, et c’est déjà très large! Ce sont des écrans à gamut large, ou « wide gamut » en anglais encore, et peuvent restituer des teintes plus réalistes sur une photo. De manière générale, pour travailler sur une photo, on préfèrera se caler sur le profil le plus large possible pour avoir le plus de précision au niveau des ajustements, et une fois terminé on peut convertir l’image en un profil de couleur qui l’est moins en fonction de l’utilisation qui lui sera dédiée. Quel intérêt ? Celui de conserver les dégradés, car le fait de convertir le profil de couleur ne va pas supprimer les nuances qui « débordent » mais les arrondir, et ainsi conserver les dégradés existants.

Aplat de couleur.

Cette photo possède dans les teintes bleues, rouges et jaunes des valeurs qui correspondent aux limites du sRGB. Il peut donc se former des aplats de couleur (par opposition aux dégradés) si le profil n’est pas corrigé correctement.

« Alors oui c’est pas mal ta méthode, j’ai essayé mais quand je passe l’image sur l’écran du PC de la maison qui permet d’imprimer, ça change encore toutes les couleurs ! »

Effectivement, les écrans restituent chacun les couleurs différemment, tout comme l’humain perçoit différemment les couleurs (d’où les notions de couleurs préférées, harmonieuses, etc…). C’est pourquoi il est nécessaire de calibrer les écrans sur lesquels on travaille : pour avoir le moins de relativité possible. On veut enfin obtenir un vrai vert fluo qui ne sera pas bleu sur un écran ou vert plus terne sur un autre. Il existe un outil, une sonde de calibration, qui permet d’équilibrer les couleurs d’un écran en fonction de la base de données intrinsèque de la sonde. Ainsi, notre vert fluo correspondra au même vert fluo donné par la sonde sur les deux écrans une fois que ceux-ci seront calibrés !

« Mouais d’accord. Mais j’ai imprimé et mon vert fluo n’est plus vif du tout ».

Couleur non-imprimable

Tests d’impression, à gauche l’image avant corrections et son test de couleurs non-imprimables sur papier affichées en gris. À droite l’image corrigée, on perçoit à l’écran la présence de plus de détails, et son test en bas beaucoup plus concluant.

Alors voici un autre problème : en impression papier et jet d’encre, nous ne sommes plus en synthèse additive, mais en synthèse soustractive : une imprimante utilise quatre groupes d’encres : Cyans, Magentas, Jaunes et Noirs. Et s’il y a des encres pour les noirs, c’est bien parce que les trois autres ne peuvent pas restituer de noirs! Et de même, on ne pourra jamais obtenir un vert saturé comme sur la photo, cela nécessitera des encres supplémentaires en bien spécifiques. Mais il est possible de s’en approcher ! Les fabricants de papiers diffusent souvent sur leurs sites des profils de couleur correspondant à chaque référence de papier. En intégrant ce profil dans une simulation de votre logiciel de retouche, il est possible de simuler les teintes obtenues sur la photo papier. Il ne sera jamais possible d’obtenir le vert fluo voulu sans ajouter l’encre spécifique, mais en jouant sur les corrections de couleur et sur les profils on parviendra toujours à conserver les dégradés, et c’est souvent ce qui importe. Sur la photo en sRGB testée, on remarque tout de suite la différence de répartition des couleurs non-imprimables avant et après correction. L’aperçu à l’écran en haut montre par ailleurs beaucoup plus de détails après correction dans les verts vifs.
La conclusion est simple: savoir qu’en couleurs tout est relatif, l’écran doit être fiable, les outils sont à disposition car l’œil est un très mauvais instrument de mesure. Alors passez de bonnes fêtes, et nous espérons que cet article vous aura donné quelques idées !

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