– Suite à un hiver particulièrement enneigé, et en prévision de la fonte, le lac de Serre-Ponçon dans les Hautes-Alpes a connu une grosse vidange! Selon plusieurs habitants de la région, des pages de discussion, ou des journaux, jamais depuis la mise en eau du barrage en 1960 on n’avait vu une cote si basse. La boîte A2, duo de photographes de la région de Grenoble et des Alpes, s’est rendue sur les lieux!
Moins 48 mètres, soit 732 mètres au lieu de 780, c’est la cote la plus basse donnée par le SMADESEP le 18 avril dernier. Le syndicat mixte faisant lien entre EDF et les infrastructures touristiques s’étant développées aux abords du lac publie en temps réel ces informations. Et comme il s’agit du plus grand lac artificiel des Alpes (un peu plus grand que le lac d’Annecy!), on imagine à peu près la quantité d’eau que ça représente.
Une vidange régulière
Car la Durance est tout le contraire d’un long fleuve tranquille (puisque d’ailleurs ce n’est pas un fleuve du tout!) en raison de sa capacité à entraîner des flux torrentiels lors d’importantes précipitations et de la fonte des neiges; comme tous les torrents de montagne. Dans des vallées glaciaires, encaissées, les montées soudaines peuvent avoir un effet dévastateur, tout comme en contrebas du barrage, dans les plaines alluviales. Ainsi, le lac peut avoir un rôle de régulateur dans les crues: en aval, elles sont bien sûr limitées par l’accumulation d’eau derrière le bâtiment. Mais pour ce qui concerne l’amont, la météo doit être attentivement scrutée, car toute intempérie combinée à la fonte de la neige en montagne provoque un déversement important dans le lac. C’est pourquoi la vidange a lieu chaque année, en prévision, afin d’éviter des lâchers d’eau intempestifs, non sans conséquence pour les activités en aval, ni pour l’activité du barrage puisque le volume d’eau non turbinée est tout simplement perdu. C’est donc suite à l’enneigement conséquent de cet hiver 2017-2018 que la hauteur d’eau a considérablement baissé, laissant apparaître d’étranges paysages, et pas que. Nous nous sommes alors intéressés à la partie Nord du lac, entre les villages de Chorges et d’Embrun, situés aux confins méridionaux du massif des Ecrins.
Un désert aride
Lorsque l’eau se retire, d’étranges formes apparaissent. Alors que nous visitons des terrains habituellement noyés, nous sommes frappés par l’absence de végétation, ou de traces de vivant, hormis quelques coquillages. Également, l’absence soudaine des eaux a provoqué sous le soleil brulant un assèchement de la terre, celle-ci se craquèle. Les roches schisteuses érodées prennent l’apparence d’alignements mégalithiques (alignements de roches dressées telles des nécropoles celtiques).
La limite des forêts nous montre la hauteur habituelle des eaux. On voit que le lac, en plus d’occuper le fond de toute une large vallée, remonte en plus dans les talwegs des torrents qui s’y jettent. Au fond se sont formées des dunes, des canyons, sur les parois desquels sont clairement visibles les strates de roches composant le sol. Au sein de ces canyons, la limite entre une zone asséchée depuis plusieurs jours, de terre dure, et celle encore fraîche est elle aussi visible. La baie Saint-Michel pourrait faire penser à celle du mont éponyme avec ses grandes marées. Ici, le décor montagneux nous rappelle la géographie des lieux, offrant d’ailleurs un contraste saisissant entre espaces maritimes, forestier, et montagnard avec de nombreuses cimes enneigées.
Ces sommets encore blancs, ce sont les aiguilles de Chabrières, le grand Morgon, et plus loin les pointes septentrionales du massif des Trois Evêchés. Difficile vu d’ici de se dire que certains de ces versants sont occupés par des stations de ski!
Des traces humaines
Bien que les villages aujourd’hui engloutis, notamment Savines, aient été détruits et reconstruits plus hauts, plusieurs traces sont encore visibles aujourd’hui par le retrait des eaux. En effet, les solides infrastructures des voies de communications ont, pour beaucoup, subsisté. Des souches d’arbres délimitent ce qui furent sans doute d’anciens chemins, ou des routes, tout comme les plateformes des voies ferrées.
Ces dernières ressurgirent alors, d’autant plus qu’elles sont très présentes dans cette vallée. Deux axes sont identifiables. La ligne de Gap à Briançon dont le tracé aux abord du lac est contenu dans la zone inondée fut reconstruite plus haut, tout comme deux haltes, Prunières et Savines, qui furent de toutes façon fermées postérieurement. Un autre groupe d’infrastructures est visible plus à l’Ouest, c’est la plateforme de la ligne de Chorges à Barcelonnette, un projet qui ne vit finalement jamais le jour; contrairement à certains de ses ouvrages d’art.
Parmi eux, on peut citer le viaduc de Chanteloube. Ayant l’apparence d’une jetée, voire totalement immergé en périodes de hautes eaux, voilà qu’il révèle ses imposantes proportions à “marée basse”.
D’ailleurs, vous avez remarqué? Après pas loin de 60 années dans l’eau, il n’a pas perdu une seule pierre! Ou presque…
Merci pour cet article très interessant
Nous ignorions qu’un lac de retenue aussi important pouvait être vidangé
Tes photos sont belles et instructives
Merci à la boite A2 pour tout ce que nous y apprenons
S et JL