L’Or Gris des Alpes

Conférence sur la photo souterraine le mardi 29 mai 2018 à 20h, à la maison des associations, 6 rue Berthe de Boissieux. Venez Nombreux!

©Raphaël Charuel – Dans l'Or Gris des Alpes

©Raphaël Charuel – Dans l’Or Gris des Alpes

-L’Or Gris des Alpes, on vous en a déjà parlé? Nous l’avions évoqué par ci, par là, ou encore là bas. Mais nous n’avions pas plus longuement exposé le travail de Raphaël et de ses acolytes en la matière, bref, le pourquoi du comment, expliqué par un photographe de cavités souterraines basé à Grenoble.

Voici une belle occasion d’en parler, parallèlement à la parution de l’ouvrage très détaillé sur une exploitation majeure de la région, Les Carrières Souterraines du Rocher de Comboire, édité par le Comité de Spéléologie de l’Isère (CDS38). Le bassin grenoblois, et par la suite la région alpine, constitue le berceau du ciment. Déjà connu à l’époque des romains (ils savaient beaucoup de choses, déjà!) le liant hydraulique, car il prend même sous l’eau, a été longuement étudié par Louis Vicat, puis son commerce fut développé par son fils Joseph. Des couches d’une roche grise, aux nuances brunes et parfois pourpres, le Berriasien, pouvant produire un ciment de très haute qualité, découvertes tout près de Grenoble, à la Porte de France, lui donnèrent ainsi son surnom d’Or Gris des Alpes. Aussitôt, le produit fut décliné en de nombreuses variantes: ciment prompt, ciment Portland, demi-lents, en fonction de leurs propriétés chimiques très variées. Ainsi fut née l’entreprise Vicat, qui de nos jours demeure un leader mondial du ciment et du béton armé. Mais Grenoble, ce n’est pas que Vicat! Avant-guerre subsistaient encore de nombreuses petites cimenteries familiales, exploitant une multitude de galeries souterraines, et ce au cœur de sommets bien connus, certes pas très hauts, mais situés sur le territoire même de la métropole grenobloise.

©Raphaël Charuel - "Qui sait qu'il y a presque autant de cavités souterraines dans la métropole, que de sommets qu'on y voit à l'horizon?"

©Raphaël Charuel – “Qui sait qu’il existe presque autant de cavités souterraines dans la métropole, que de sommets qu’y émergent à l’horizon?”

Mais, comme cela a été dit dans le dernier numéro du Postillon, le passé industriel a tendance a être oublié. Une cimenterie, c’est crasseux, poussiéreux, ça fait du bruit, ça pollue. Autant de nuisances qui font que les riverains alentours d’une ancienne exploitation veulent tirer un trait sur ce qui a rendu déplorable leur cadre de vie, mettant en avant les risques industriels et technologiques, ou encore les aléas de mouvements de terrain résultant de l’effondrement des cavités abandonnées. Lorsque l’on parle du béton armé, viennent bien sûr à l’esprit des grenoblois la Tour Perret, le Garage Hélicoïdal, l’Hôtel de Ville, les trois tours, la Villeneuve etc… Mais quid de l’immeuble aux éléphants et de nombreux autres bâtiments du XIXe siècle qui furent construits en “pierre factice”, c’est-à-dire du ciment, moulé en de multiples déclinaisons: brique, meulière, pierre de taille. Et mieux encore, d’où vient tout ce ciment, qui sait qu’il existe presque autant de cavités souterraines dans la métropole que de sommets qu’y émergent à l’horizon?

©Raphaël Charuel - Les Dessins

©Raphaël Charuel – “On y trouve autant de traces de la vie des ouvriers, figées dans le temps.”

©Raphaël Charuel - À la lueur d'une lampe à flamme se révèlent les empreintes des pas des ouvriers.

©Raphaël Charuel – À la lueur d’une lampe à acétylène se révèlent les empreintes des pas des mineurs.

Parisien d’origine, Raphaël est venu avec Claire-Agnès, sa compagne et associée, en 2015 s’installer à Grenoble. D’abord pour sa qualité de vie, et parce qu’il apprécie cette terre de contrastes: une cité plate dans un univers montagneux, une ville jeune où architectures anciennes et modernes s’entrelacent, une urbanisation ancrée dans la nature, présente à chaque coin de rue en toile de fond. Déjà, en 2010, il connaissait la richesse souterraine de la région, où furent exploités le charbon, la pierre, le fer, le plomb, l’argent, l’or, et bien sûr le ciment. Il se passionne pour cette histoire minière, car après la démolition des usines, les mines et les carrières sont les seuls vestiges qui subsistent. Et même après cent ans d’inactivité, ces lieux n’ont souvent pas bougé. Comme dans un musée souterrain, on y trouve des objets incongrus, propres à l’exploitation de la mine. On y trouve autant de traces de la vie des ouvriers, figées dans le temps. Ces mineurs de l’ombre, bien loins de Germinal, et en même temps assez proches sur tant d’aspects, ont façonné eux aussi l’image de la région que nous connaissons aujourd’hui. Eux et leur travail méritent donc autant de reconnaissance. Ainsi, Raphaël et deux de ses amis, Bastien et Ronan, forment un collectif que Claire-Agnès a rejoint plus tard, pour plancher ensemble sur ce thème, chacun ayant sa propre approche. Si Raphaël aime bien fouiner et retrouver de nouveaux endroits insoupçonnés, Bastien aime les grosses machines et les wagonnets, ou “berlines”, que l’on trouve sous terre. Claire-Agnès apprécie plutôt rendre l’eau, les minéraux, et les micro-organismes qui réinvestissent les lieux peu à peu.

©Claire-Agnès Villeneuve - Des bactéries anaérobies.

©Claire-Agnès Villeneuve – Des bactéries anaérobies.

Ce patrimoine dissimulé aux yeux de nombre d’entre nous, mérite d’être mis en valeur par l’image. Le désir des auteurs de ce travail est de faire prendre conscience de cette petite histoire comme partie intégrante de la grande Histoire. Il ne s’agit pas pour autant de faire une visite, ou de nommer chaque exploitation, car le travail sur ces lieux comportent des risques: éboulements, égarement, et tous les problèmes communs à la spéléologie dans un milieu où le réseau téléphonique ne passe pas, où mener une opération de sauvetage est très complexe; et, de plus, les mines sont interdites d’accès. Mais faut-il pour autant les oublier ou les combler? Qui aurait l’idée de détruire la grotte originale de Lascaux, pourtant elle aussi dangereuse et interdite à la visite? Le Nord, la Lorraine et même la Matheysine ont leurs musées de la mine, leurs chevalements. Bien peu à Grenoble sur les carrières à ciment, peu sur les téléphériques et autres installations qui s’y sont longtemps rapportées, alors que près d’un millier de kilomètres de galeries sous-mine le paysage. Serait-ce une industrie moins noble? Ainsi les photographes suivent, longtemps après, les anciens mineurs dans leur ombre, et apportent brièvement leurs éclairages dans ces souterrains, figer le temps, avant qu’ils ne retrouvent la tranquillité de leur nuit minérale…

Et si vous voulez creuser un peu le sujet, il faut savoir qu’en partenariat avec le club Focus-Grenoble, Raphaël animera le mardi 29 mai 2018 à 20h une conférence sur la photo souterraine à la maison des associations, 6 rue Berthe de Boissieux, 38000 Grenoble.

Pour voir l’intégralité de la série de Raphaël, c’est ici!