Semaine 22: Le Fond de la Carrière

© Raphaël Charuel – Fond d’une carrière de pierre à ciment.

– Comme à son habitude, Raphaël nous emmène au fin fond d’une carrière souterraine à l’abandon, où était exploité le calcaire à ciment. Surprenant.

Il faut d’abord savoir que cette image présente un intérêt. Il s’agit des galeries les plus éloignées de l’accès principal de cette mine, et ce sont des travaux anciens, datant du début du XXe siècle, dans une exploitation qui a fermé dans les années 1970. Habituellement, les chantiers les plus profonds sont les plus récents. Dans cette carrière, un quartier entier a disparu sous un effondrement généralisé entre 1922 et 1923, suite à une surexploitation de la roche. Dans les décennies suivantes, une seconde carrière, ouverte de l’autre côté de la montagne, s’est tant étendue qu’elle a fini par rejoindre le fond de l’exploitation s’étant effondrée. Un boyau de jonction fut alors percé vers un secteur épargné par les éboulements, mais isolé derrière les blocs de pierre et inaccessible jusqu’alors. Ce cas particulier explique l’aspect ancien de ces galeries, surtout remarquable par la présence d’une voie ferrée artisanale (de simples barres d’acier clouées sur des bastaings).

Par ailleurs, de beaux volumes sont visibles ici, rares dans ce genre de carrière où les couches exploitées ne sont pas souvent d’une “puissance” (épaisseur) dépassant les trois mètres. Cette grande “salle” s’étend sur trois étages, décalés les uns par rapport aux autres suivant le “pendage” (inclinaison) de la couche de roche. Cette roche exploitée, une pierre servant à la fabrication du ciment prompt par cuisson et broyage, est un calcaire du berriasien, découvert sur la commune de Berrias-et-Casteljau en Ardèche. Ce genre de strate géologique est réputé depuis le XIXe siècle pour donner un ciment d’une grande qualité. À cette époque, la découverte de procédés industriels rapides, efficaces, et l’existence de tels matériaux dans les massifs calcaires pré-alpins ont notamment permis au bassin grenoblois de se ravir le titre d’une des premières places mondiales du marché des matériaux de construction, scellant le destin de la ville indissociable de l’industrie du ciment.

Ces roches calcaires contiennent une proportion d’argile variant entre 20 et 30%. Ce ne sont donc pas des marnes, qui elles contiennent moins de 65% de calcaire. Dès le début de son exploitation industrielle et encore de nos jours, la roche est récoltée par blocs, abattus à l’aide d’explosifs.